L’illusion du contrôle total L’entreposage du grain, c’est un peu comme jouer une longue partie d’échecs contre la nature. Pourtant, au fil des années, un mythe s’est installé dans le monde agricole : celui que la technologie peut tout régler. « Après tout, si un ordinateur surveille en temps réel mon silo, que pourrait-il m’arriver? » La réalité, cependant, est bien différente. La technologie n’est pas un remplaçant des bonnes pratiques d’entreposage, elle en est la continuité.

La technologie, un faux sentiment de sécurité

Les manufacturiers de systèmes connectés parlent souvent de « silo intelligent », de « monitoring 24/7 », voire de « système qui travaille à votre place ». Ces termes créent une illusion : celle qu’une ferme équipée d’un tel système est à l’abri de tous les problèmes.

Un système de surveillance ne fait que mesurer, actionner et alerter. Il peut dire qu’il y a un problème, mais il ne résout pas la cause : humidimètre décalibré, erreur de calibration des sondes au séchoir, 
trop d’humidité, mauvaise ventilation, grain compacté, trop de gousses de soya, etc. 

La technologie aide à mesurer et à automatiser certaines tâches, mais c’est l’humain qui est responsable d’inspecter et de programmer le système.

Le risque du relâchement des pratiques d’entreposage

Plusieurs producteurs le reconnaissent : après l’installation d’un système automatisé, la vigilance tend à diminuer. L’humain fait confiance à la machine. Pas étonnant, pour certaines tâches, elle est beaucoup plus efficace, par exemple, partir la ventilation au bon moment.

Or, les problèmes d’entreposage (moisissures, échauffement, germination, insectes) n’apparaissent pas d’un seul coup. Ils s’installent progressivement, souvent dans des zones où les capteurs ne mesurent pas directement.

Un système traditionnel de monitoring par câble peut donc ne rien signaler pendant que, quelques pieds plus loin, une poche humide commence à chauffer lentement. Rappelez-vous, le grain est un excellent isolant thermique!

Le savoir-faire et la vigilance humaine, la clé du succès

L’entreposage des grains, ce n’est pas une science exacte, c’est un art soutenu par la science. La technologie transforme cet art, mais ne le remplace pas.

La surveillance numérique ne sert à rien si le grain est mal séché (trop humide avec beaucoup d’impuretés), si la ventilation n’est pas appropriée ou si aucun suivi physique n’est fait.

Les producteurs qui réussissent année après année ne sont pas ceux qui ont le plus de capteurs, mais ceux qui ont le plus de rigueur. Bien sûr, c’est du temps et de l’énergie. Mais c’est cette rigueur, soutenue par la technologie, qui fait toute la différence entre un entreposage risqué et un entreposage maîtrisé.

 

 

Mathieu Phaneuf, président-fondateur Agrilog

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